8 semaines sur les routes, le bilan.

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“Alors, racontes !” (avec un sourire sur le visage, les yeux baignés d’étoiles)

Mais vous voulez que je raconte quoi ? J’ai l’impression d’avoir déjà tout dit et puis voilà c’est terminé. J’ai roulé pendant 2 mois, dormi toutes les nuits dans un nouveau chez moi. J’ai vu des beautés de paysages, rencontré des gens formidables. J’ai eu mal au corps, au mental. J’ai eu chaud au cœur, plus d’une fois.


“Alors, racontes !” Ok, je comprends. Si ma sœur, ma cousine, une amie ou ma voisine rentre d’un tel voyage, j’ai envie de tout savoir, de connaître toutes ses péripéties d’aventure.


“Alors, racontes !” Mais c’est compliqué d’expliquer quelque chose que j’ai, moi même, du mal à comprendre.


“Alors, racontes !” On va faire ça dans l’ordre. Laissez moi remonter là où je vous avais laissé.e.s…


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Je suis à l’hôtel à Reading, à regarder les championnats d’Europe de gym avec un mal de crâne énorme. J’ai pas manger de la journée mais c’est impossible de me lever pour aller acheter des pâtes. Donc je vais petit à petit m’écrouler de fatigue pour me réveiller à 1h, un peu mieux que la veille. Puis me rendormir pour me réveiller à 5h, encore mieux. Et à 8h encore encore mieux.

Avec le ventre un peu rempli et la matinée allongée dans le lit, à 12h, je pars de l’hôtel et me dirige vers la gare.

Arrivée à la gare, j’ai roulé 1/2 mile (800m), pfiooouu. Je prends un ticket pour Portsmouth et c’est parti.

À 15h je suis assise au port de Portsmouth. J’ai un défi pour aujourd’hui : trouver des Squares pour ma sœur 🫶 Et bien après 6 magasins, un p’tit tour de la ville et 4km, je les ai trouvés. Je suis au terminal ferry, il est 17h, plus qu’à attendre.

2 heures plus tard, je vais au Check in, je suis hyper excitée à l’idée de prendre le ferry du RETOUR. En attendant la montée dans le bateau, un petit orchestre se met en place et nous fait part de quelques sons bien sympathiques 🥁

C’est bon, je suis dans le ferry, je mange au self service à la même place où j’ai mangé mon p’tit dej 54 jours plus tôt. Sur cette traversée, j’ai un siège inclinable, youpi. Sauf que la climatisation est à fond, et dans mon sac de couchage j’avais hyper chaud. La nuit a pas été ouf mais j’ai rêvé de Tom Hanks.

Au petit matin, 5h, encore heure anglaise, je sors sur le pont, respirer l’air de la mer. Il fait pas froid, un Fou de Bassan vole devant moi. Et quand je me dis que dans 2h je foule le sol breton, j’ai le cœur en miel.

Je vais prendre le petit déjeuner à la même place où j’ai mangé mon dîner le 21 juin dernier. Et je retourne sur le pont. Je vois les remparts de Saint-Malo. J’arrive pas à croire que je vais rentrer. Revoir mes parents dans quelques minutes. Oh la la, les yeux commencent à s’humidifier. Je regarde le ferry commencer à faire son créneau et j’entends la dame au micro dire que les personnes ayant un véhicule au pont 3 peuvent y aller. Ni une ni deux, j’y vais, je descend les étages du ferry et j’arrive à la cale récupérer mon vélo.

Nous sommes une dizaine de cyclistes chargé.e.s de bagages. Je crois que je suis la seule française. Avant de passer au poste de police, une cyclovoyageuse se retourne vers moi pour me demander où je vais. Je lui répond « back home »


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Quand on me pose la question « c’était bien? », évidemment. Mais tu parles de quel moment ? Je suis pas juste allée pêcher la truite sur un après-midi. J’ai passé 2 mois à vivre une autre vie.


Alors maintenant que je suis arrivée. Que j’ai plein de retours des gens que j’aime, qui réagissent à mon voyage, qui veulent en savoir plus que tous les récits écrits durant le périple. J’essaye de comprendre. Simplement. Le temps d’émerger de ce trop plein d’émotions. De ces quelques jours. De comprendre ce que j’ai fait. De comprendre pourquoi je l’ai fait. D’analyser mes sentiments, mes émotions. Et c’est un travail encore plus compliqué que d’appuyer sur les pédales pour gravir une montagne.

8 semaines sur les routes, le bilan.

2/3

Est ce que les femmes qui voyagent sont libres ? On nous a appris, ou plutôt fait comprendre, que l’espace du monde est divisé entre les hommes et les femmes. L’autrice Lucie Azema le dit très bien : « l’aventure et les espaces infinis ont été pensés comme l’espace des hommes. Tandis que l’espace clos – en particulier le foyer – est considéré comme appartenant aux femmes. ». C’est pour ça qu’il y a peu de grandes femmes voyageuses, c’est pour ça que quand une femme voyage seule elle impressionne. Alors que, statistiquement, l’espace du foyer est plus dangereux pour les femmes. On demande à une femme si ça va, si elle n’a pas trop peur. Est ce qu’on demande cela à un homme ? Est ce qu’un homme a peur de voyager seul ?

J’ai lu le livre Petite de Sarah Gysler (que je recommande fortement) et j’aimerais citer cette phrase : « Mais je ne crois pas que voyager soit plus dangereux pour une femme que pour un homme. En tout cas, ce n’est pas plus dangereux que de vivre en tant que femme ».


Voyager seule est une ode à la vie. C’est se respecter et se faire confiance. On ne peut compter que sur nous même.

Est ce que j’ai fait ce voyage pour me prouver et prouver à tout le monde que c’est possible d’être femme et de voyager seule ? Oui et non. Je pense que je le savais déjà. Je me suis jamais interrogée sur ce fait. Ça venait de soit que j’allais partir seule. Je voulais partir seule. Parce que je suis capable et que j’ai besoin de personne. Parce que je suis forte et que je peux me débrouiller. Parce que je fais confiance au monde et surtout, je ME fais confiance.


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Le 21 juin à minuit, j’ai écris un texte sur mon état avant de partir. Je me demandais pourquoi je faisais ça, je me disais que j’avais pas vraiment envie de rouler plusieurs heures, avoir mal aux fesses, au genou, gravir des cols, des pentes à 10%. J’avais pas envie d’être sous la pluie, de pas savoir où dormir le soir, de devoir être dehors quand j’en ai pas envie, de devoir parler à des gens, d’être toute seule. Je me demandais si je m’étais vraiment posé la question de si j’avais réellement envie de faire ce voyage.

La phrase d’après était : « en fait c’est naturel ».


C’est naturel car j’ai toujours voulu voyager. J’ai toujours voulu faire un voyage solidaire, aller à l’étranger. Le concept de frontières me démoralise, ou plutôt je les aime pour pouvoir les traverser avec bonheur. J’ai eu l’envie de voyage à vélo, j’ai eu l’envie de parcourir les lieux HP. Je l’ai fait.


Et j’ai jamais eu peur d’être seule. J’ai juste eu peur de me lancer. La case ‘Voyager’ est depuis longtemps sur ma bucket list. Cette simple case qui, cochée, t’ouvre des portes que tu n’aurais jamais osé clencher.


Parce qu’en voyageant, tu découvres un bonheur. Le bonheur des gens qui voyagent. Le partage qui fait que le bonheur est partout. On partage un état d’esprit qui perdurera par la suite même quand on ne voyage pas.


J’ai aimé mon périple en tant que femme seule à la découverte du monde. Je n’ai pas tout le temps été forte. Ma faiblesse m’a fait connaître des gens merveilleux. Mais est-ce être faible de pleurer sous la pluie, pleurer face au vent ou pleurer quand Rose me dit qu’elle va payer ma roue. Est-ce que ce n’est pas plutôt être soi ? Être voyageuse déterminée à savourer tous les moments de vie d’une aventure colorée.


Alors est ce que les femmes qui voyagent sont libres ? Oui. J’ai été libre, j’ai été footloose.


Les rencontres forgent, les déboires fauchent, les horizons réconfortent. Le tout mène une aventure initiatique.


À tou.te.s ! Voyagez, rencontrez, soyez heureux.se.s de vivre. Simplement.

8 semaines sur les routes, le bilan.

3/3

3/3, que dire?

J’ai parlé de mon ressenti à l’arrivée quand ma seule idée était de dire ‘c’est terminé’

J’ai parlé de mon ressenti face à la solitude, la peur, les frontières et les femmes qui voyagent

J’ai livré ma joie, mon bonheur, ma liberté

Et maintenant, comment tourner la page ?


J’ai roulé 2623 kilomètres 🚲 grimpé 27611 mètres de dénivelé 📈 Dormi dans 17 campings ⛺️ 7 auberges de jeunesse 🛏 7 hôtels 🏨 7 bivouacs 🏕 chez 9 Warmshowers 💚 2 amie ou amie de contact ✨ et passé 2 nuits dans le ferry ⛴


À l’arrivée, mon vélo est un touriste ramenant des cadeaux à sa famille. Une roue arrière de Ballater, un rayon et des patins de frein de Newport, une chaîne de Dursley, une sonnette de Shap, une cassette de Liverpool, un sticker écossais d’Edinburgh, un sticker gallois de Swansea, de la poussière d’All Cannings et une chiure d’oiseau de Bristol. Il est beau. Il a souffert. Mais mon fidèle destrier peut m’emmener au bout du monde maintenant. Vous savez que je n’ai eu aucune crevaison avec lui ?! Je peux le dire haut et fort maintenant que je suis arrivée. Je n’ai eu AUCUNE crevaison 🍀


Mon loyal biclou a dû porter 40kg de bagages. Ces quatre dixièmes de quintal ont été de trop. Les trucs que j’aurais pu enlever : les livres, le bâton de massage (utilisé 1 fois), les trop nombreux produits jamais utilisés de la trousse de secours, le chargeur (l’adapteur a pris le relais), les gants, le pull, la genouillère.


Le 21 juin au soir je criais de douleur parce que j’avais mal au genou. Je criais pas vraiment, je pleurais. Et c’était pas vraiment dû à la douleur mais plutôt au fait que je voulais continuer mon voyage évidemment, qu’il fallait que je le fasse, je ne voulais pas faire machine arrière mais j’avais ce genou qui m’irradiait en pédalant. Le lendemain, j’ai pas mis ma genouillère, j’ai roulé à gauche et ça allait mieux. 5 semaines plus tard, je n’avais plus de douleur au genou 🙌🏼


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Le territoire britannique m’a enchantée. Le fait de voyager, à vélo, seule, dans un pays non francophone m’a permis de rencontrer des personnes exceptionnelles. J’ai été confronté à une politesse hyper agréable, une gentillesse profonde et une générosité simple.


Bref, mon voyage est passé. Les kilomètres sont avalés, les lieux Harry Potter visités, mon cœur est en miel et ma reconnaissance est grande.


Je voudrais dire merci à la vie de mettre tout ça sur mon chemin. Ensuite merci à moi parce que j’ai décidé de ce chemin. Merci à Roonil et Coq 🚲🦏 Mais bon … surtout merci à toutes les personnes que j’ai rencontré. Merci Claire et Jon de m’avoir accueillie le premier jour et de m’avoir suivie jusqu’au dernier; Merci Betty et David, et cette première réparation de roue arrière; Merci Dorothy et Ally pour ces parties de scrabble endiablées; Merci Willy et Rose, j’ai toujours pas les mots et encore envie de pleurer; Merci Mark, mécano de compet; Merci John et Di de m’avoir donner encore plus envie de parcourir le monde à vélo en solo (Go Wigan Warriors!!); Merci Rob et Ness, la sympathie, la bonté et le bonheur incarnés; Merci Louise et Pete pour votre amour des galettes; Merci Kal, phénomène adorable, une preuve de générosité incomparable, une véritable star des avis Google; Merci Kim, ton salon de thé est un oasis; Merci Sylvia et Kevin artistes sur route, heureux.se sur les véloroutes; Merci monsieur du camping de m’avoir sauvé de cette journée, Merci Chris pour cette discussion d’après malaise. Et merci à toutes ces personnes rencontrées que je n’ai pas cité.


Et puis merci à l’Association Française du Syndrome de Lowe de m’avoir permis d’écrire votre nom à mon voyage. Merci Philippe. Merci Karine, grâce à toi j’ai relevé encore plus de défis que je ne pensais (je suis passée à France bleu !!!🎙🥳). Merci à toutes ces personnes qui m’ont lues et m’ont signifiées leur joie.


Je suis fière d’avoir fait ce voyage pour l’asso. Fière d’avoir récolté 1347€.

Parce que c’est toujours aussi important de soutenir les associations qui œuvrent contre les maladies rares.

Merci GlobeDreamers d’avoir permis la mise en place de la cagnotte, merci pour toute l’aide apportée et bravo de permettre à de beaux projets de voir le jour.


Pour soutenir les familles dans leur solitude face à cette maladie peu connue, pour faire connaître la maladie au plus grand nombre, pour financer la recherche, pour créer des moments de joie, de soutien et d’amitié entre les familles. Je suis heureuse d’amener ma petite pierre à cette édifice d’amour et de bonté. L’ASL.


Ça me paraît logique. De pouvoir pédaler des heures, grimper des hauteurs, pleurer sous la pluie, être face à l’infini. Avoir mal aux jambes, tomber dans les pommes, être tremper de sueur, poursuivre le bonheur. Ne pas dormir, dans les côtes souffrir, être au milieu de rien, manger de la semoule du soir au matin. En fait, être en bonne santé, pouvoir faire ce que j’ai envie, avancer dans mon voyage comme j’ai pu facilement avancer dans la vie. Relativiser.


À tous les garçons, j’espère avoir été aussi forte que vous. À toutes les familles, j’espère vous avoir fait sourire. 💛


Ps : les aventures continueront